Des espoirs…

placards

 

ça y’est, ça m’a reprise.

J’avais demandé dans un élan masochiste de lectrice orgueilleuse : « une claque littéraire ».

Après avoir survolé la salle pleine de plumes acérées, s’être perdu dans des quatrièmes de couverture, de pages dévorées, mon dealer  a fait un petit mouvement du menton, histoire de montrer celui qui serait à l’origine de cette nouvelle relation.

Placards.

Alors que j’évoque souvent des boîtes remplies de bouts de rien et de tout de moi, mon revendeur de mondes avait trouvé l’endroit où empilées, cachées à la vue des autres, elles auraient un toit le temps d’une lecture.

J’avais bien pressenti, ne le connaissant pas si bien mais le reconnaissant un peu, que le toit offert, risquait de s’écrouler, charpentes en charpie, écrasant mes émotions papier de soi.

Je reste prudente aves ses cadeaux sourires qui flattent l’égo. Etre capable ou ne pas être capable… telle est la sensation !

Ce livre, je l’ai longtemps laissé. Petit format bien à l’abri entre un mec qui n’en est pas un, qui fait des choses qui n’en sont pas avec une fille en cuissardes rouges pour éviter le courroux du grand gourou* et des forêts et des lacs qui engloutissent les jeunes filles dans la chaleur de l’été*.

Un placard sur une étagère.

Tasse servie, lunettes serviables, je découvre un nouveau territoire en bichromie. J’aime pas tant morfler que ça et je ne suis pas chaussée. Dès les premiers pas, des cailloux me rentrent dans les pieds. J’ai mal.

« y’a pas de mauvaise mère, y’a que des mauvaises circonstances », elles foutent la gerbe mes convictions.

Les premières pages me rendent avide. Parcourir avec effroi, un quotidien où le ciel obscur et le sol glacé cloisonnent.

Il faut avancer, ancrer les doigts, graver les mots. L’Enfant, Elle, Lui, tous, dans cette mortelle randonnée, se perdent.

Y’a pas d’espoir dans le marc de café, y’a que des grains moulus, détrempés que j’absorbe pour ne pas baisser le rideau, comme une ultime défense à la raison.

C’est pas égratignée qu’elle est l’enfance dans moins d’un mètre carré, c’est écorchée vive, à crever.

Pantin désarticulé aux mains purulentes des adultes.

Le face à face fait mal aux tripes, plus bas encore, comme une envie de pisser tellement retenue, que la peur ne s’évacue plus. ça remonte le long des reins, ça broie l’espoir au creux des seins.

Pourtant une lumière blanche s’immisce au travers de la serrure, entre les silences puanteurs, les larmes asséchées. Une espèce de baume au coeur, une avalanche d’amour tellement épaisse que sans les mots sauveteurs, c’est l’asphyxie.

Accrochée à des bribes, des dialogues, la Femme, toutes, ont le corps embaumés par les égards des phrases qui les hissent. Emportée par le vent libérateur, je lis à haute voix, puissante des idées d’un homme plume.

« A momentary lapse of reason » accompagne mon verbe qui hésite entre profusion et confusion. Les digues rompues, le trop plein d’émotions noie le papier rayé.

Et lorsque « Learning to fly » s’expose, une voix enfantine reprend son propre couplet : « Après je voudrais aller sur le toit pour aller nager avec les oiseaux »

Dans les Placards, les coïncidences n’existent pas.

 

Placards

Christian Roux

Editions Rivages/Noir

Playlist : Pink Floyd Learning to Fly

 

*La Destinée, la mort, et moi comment j’ai conjuré le sort S.G Browne Agullo Editions

*Bondrée Andrée A. Michaud Editions Rivages


4 réflexions sur “Des espoirs…

  1. Dans la vie, les coïncidences n’existent pas plus.

    Rencontres littéraires, rencontres d’âmes, rencontres….
    Des routes qui se croisent parce qu’il le fallait
    Des routes qui se séparent parce qu’elles le devaient
    Des routes qui sinuent à flanc de coteau
    Des routes qui filent droit devant sans se retourner
    Des routes criblées d’ornières, bordées de fossés
    De parapets qui ne demandent qu’à être franchis
    De platanes qui n’attendent qu’une rencontre….

    Trouver l’espoir dans un Placard, peut-être……

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  2. Un placard, une porte, les pages d’un livre à ouvrir…mais parfois je me sens devant certaines antres comme Alice devant des portes trop grandes ou trop étroites. Le monde qui se cache derrière ne risque t-il pas d’être trop hostile? repoussant? La littérature peut bousculer. Peut être le doit elle aussi… Encore faut il trouver la potion qui me permettra d’entrer dans ce monde encore clos des « Placards ». Peut être ton breuvage d’encre m’y aidera t-il car tout de même la curiosité est là…

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